Le chômage structurel (celui qui ne dépend pas de la conjoncture économique) progresse en France depuis des décennies, les experts s’accordent sur ce point, même si leurs modes d’évaluation divergent (pour un point de vue).
Qu’on l’estime au final à 5% ou 7% de la population active, il touche beaucoup trop de personnes et il croît toujours.
Parti pris d’un opérateur de placement pour expliquer partiellement (mais une grosse partie quand même) cette tendance : on n’a pas préparé des millions d’actifs aux (r)évolutions du marché du travail : mondialisation, digitalisation, robotisation, intelligence artificielle, flexibilité, agilité, mobilité…
Et comment on a manqué ça ?
En mettant en place un système de financement de la formation qui a contribué à ce que seuls 35% des employés/ouvriers accèdent à la formation professionnelle. Formation professionnelle : 35% des ouvriers contre 66% des cadres !
En faisant cela on a inconséquemment préparé un plan de déclassement professionnel de masse.
Des dizaines de milliers de salariés licenciés chaque année et qui n’ont pu bénéficier de plan de formation leur garantissant un niveau d’employabilité suffisant basculent dans ce chômage structurel, celui dont on sort difficilement. Les programmes de formation des demandeurs d’emploi (plan 500 000, plan 500 000 formations supplémentaires, plan d’investissement dans les compétences) sont efficaces, à défaut d’être pleinement efficients.
Il est désormais temps de traiter la cause et non la conséquence, d’aborder le problème lorsque les actifs sont en emploi et non lorsqu’ils en sont sortis.
La loi Avenir professionnel
Elle a révolutionné le système de financement en donnant aux actifs l’opportunité de choisir librement leur formation au travers de la future appli CPF (disponible le 21 novembre) grâce à un droit de tirage libellé en euros
La libéralisation de l’accès à la formation pour les actifs est audacieuse et politiquement courageuse. Pour en assurer le succès il faudra bien l’accompagner. L’État va faire le boulot au travers de campagnes de promotion du dispositif, c’est très bien.
L’entreprise le lieu privilégié
Mais l’entreprise reste aujourd’hui le lieu privilégié pour assurer la diffusion de l’information. Ce sera ainsi tant que les actifs n’auront pas pleinement intégré ce mouvement de libéralisation. Problème : elles ont pour le moment l’impression de perdre au change. En effet, 1% de la masse salariale qu’elle versait auparavant à leur OPCA était récupérable au travers du plan de formation. Désormais cet argent ira à la CDC pour alimenter, notamment, le CPF des actifs.
Les entreprises seront-elles les ambassadrices du CPF ?
Le gouvernement réclame la co construction des plans de formation avec les collaborateurs. Mobiliser le CPF dans leur intérêt et celui de l’entreprise. Les abondements rendus possibles par l’entreprise à compter de mi 2020 sont une très bonne mesure. Pas sûr que tout cela soit suffisamment incitatif, il faudra peut-être donner quelques coups de pouce :
- Défiscaliser les abondements des comptes CPF des salariés l’employeur. L’État perd de l’IS mais récupère de précieux points de croissance. 4 euros de PIB par euro investi dans la formation selon l’institut Sapiens.
- Instituer des chèques formation distribués comme le sont les chèques déjeuner par exemple. Avec là aussi, des avantages fiscaux pour le salarié comme pour l’employeur.
- Prévoir des systèmes de financement du reste à charge pour le salarié. En effet, le solde moyen du CPF des actifs tourne aujourd’hui autour de 2000 euros. C’est trop peu pour financer des formations longues ou très techniques. Il faudra plusieurs années pour atteindre le plafond de 5000 euros (8000 pour les publics fragilisés). Les banques doivent pouvoir proposer aux entreprises des dispositifs de financement. Le reste étant à charge pour le salarié cautionné par l’employeur.
Accordons un tout petit peu d’intelligence aux actifs de notre pays. On peut imaginer qu’ils seront capables de trouver les formations. L’objectif : qu’elles offrent une véritable évolution / insertion professionnelle… tout en correspondant aux besoins des entreprises.
Les organismes de formation (ceux qui ne crient pas avant d’avoir mal) vont quant à eux, s’adapter à cette nouvelle configuration de marché. Ils proposeront des solutions adaptées, mêlant présentiel et e-learning, pour des prix ajustés.
L’entreprise doit également prendre sa part et c’est un enjeu majeur de la réussite de la loi « Avenir professionnel ».
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